Séminaire intercollégial de recherche en philosophie
Appel à communications: 2e édition
Vie, vécu, vivabilité: la connaissance du vivant et de ses possibilités
DATES: 11 et 12 janvier 2024
LIEU : Collège Montmorency
DATE LIMITE POUR SOUMETTRE : 16 avril 2023 à 23 h 59
LIEN POUR SOUMETTRE : Cliquez ici
CONTACT: sirphi@cmontmorency.qc.ca
Tout.e enseignant.e affilié.e à une institution collégiale est invité.e à soumettre un résumé de communication ne dépassant pas 300 mots en remplissant le formulaire accessible en cliquant ici. Seuls les résumés transmis via ce formulaire seront considérés.
Nous acceptons les propositions jusqu’au 16 avril 2023 à 23h59. Toute personne ayant proposé une communication sera contactée d’ici la fin du mois de mai.
Détails de l’appel à communications, 2e édition
Vie, vécu, vivabilité: la connaissance du vivant et de ses possibilités
Pour cette deuxième édition du SIRPhi, nous vous invitons à repenser : 1) les définitions de la vie ; 2) l’expérience que nous en avons comme vivant et parmi les vivants ainsi que ; 3) les conditions dans lesquelles nous aimerions que la vie puisse se vivre. Il s’agit à la fois de définir, de critiquer et d’étudier la notion de vie, son expérience et ses conditions de réalisation. Cette deuxième édition accueillera favorablement des propositions relevant non seulement de la métaphysique, de la philosophie des sciences, de la philosophie de la biologie, de la phénoménologie et de la philosophie de l’esprit, mais aussi des réflexions normatives esquissant des pistes de solution face aux situations qui menacent le vivant, ses possibilités de réalisation et les possibilités mêmes qu’a la vie de se vivre encore.
Axe 1 : Les définitions de la vie
Si la vie est cette évidence que nous incarnons et que nous éprouvons à chaque instant jusqu’à notre mort, elle ne se laisse pas facilement définir pour autant, comme l’avait remarqué John Locke dans son Essai philosophique concernant l’entendement humain. Qu’est-ce que la vie? N’est-ce que l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort comme le prétendait Bichat? Est-ce une condition qui se doit d’être dépassée comme l’affirmait Nietzsche? Mais encore, quelle est l’essence de la vie, s’il en est une? N’est-elle que la manifestation d’une ou de plusieurs forces inconscientes, voire d’instincts, comme l’affirmaient Schopenhauer et puis Freud? Peut-elle être multiple? Y a-t-il deux notions vie, celle commune à tous les vivants et celle uniquement partagée par les humains, comme nous le rappelait Hannah Arendt en reprenant aux Grecs les concepts de zôè et de bios pour développer sa conception de la vita activa? Si Kant affirmait que « toute vie repose sur le pouvoir interne de se déterminer soi-même à son gré » (AK II, 327) comment définir la vie dans un contexte où la « spontanéité naturelle » ou « l’auto-organisation » du vivant est remise en cause par les nouvelles biotechnologies et, sur le plan normatif, par le transhumanisme? Loin de faire consensus dans les sciences, domaine où certain.es comme Gilles Bruylants, Kristin Bartik et Jacques Reisse (« Is it Useful to Have a Clear-Cut Definition of Life? », 2010) vont même jusqu’à douter de la nécessité d’une définition formelle de la vie pour étudier le vivant, la notion de vie se dérobe-t-elle à toute définition philosophique?
Axe 2 : Les expériences de la vie
Difficile à saisir, pourtant toujours vécue, comment caractériser l’expérience de la vie, c’est-à-dire ce que cela fait de vivre, à la première personne? Est-ce bien l’auto-affection originelle et radicale, comprise comme immanence absolue, que décrivait Michel Henry? Ou plutôt, la vie est-elle caractérisée par l’épreuve du manque, du désir « comme recherche du soi en l’autre » (Renaud Barbaras, La vie lacunaire, 2011)? Dilthey affirmait que « [d]ans les veines du sujet connaissant qu’ont construit Locke, Hume et Kant, il n’y a pas de sang véritable qui coule » (Ges. Schr. I, p. xviii). En ce sens, en amont de la conscience intentionnelle, le « monde de la vie » (Lebenswelt) est-il irréductible, comme le pensait Husserl, à celui que décrivent les sciences modernes de la nature? Plus encore, est-il nécessairement occulté par le naturalisme de la philosophie contemporaine? Quel serait l’objet de notre expérience lorsque nous éprouvons la vie? Est-ce toujours l’expérience de l’essence de la vie, du vivant, comme le sentiment de la volonté est toujours celui de la vie chez Schopenhauer? Ou est-ce l’expérience d’un état du vivant, dans un contexte donné, comme le sentiment de santé qui se trouve accolé au sentiment de vie à l’occasion de l’expérience esthétique chez Kant? Qu’est-ce que le sentiment de vie? Est-il à situer sur un spectre comportant de hauts lieux de plénitude, de grâce, de résonance, aussi bien que des états de confusion, d’exil intérieur, de mélancolie, d’ennui? Mais encore, comment cette vie est-elle vécue dans un contexte social et politique donné? Raphaël Gély explique que les rôles sociaux affectent directement toute subjectivité. Il va jusqu’à dire qu’une vie qui n’est pas partagée est une vie qui s’atrophie (Rôles, action sociale et vie subjective, 2007). Quel rôle joue alors la reconnaissance interpersonnelle que Charles Taylor caractérisait comme la « condition d’une identité réussie » (« The Politics of Recognition », 1992)? Quelle importance accorder, en outre, aux récits communs, aux imaginaires sociaux et aux mythes dans l’appréciation du vécu individuel et collectif?
Axe 3 : Les conditions de la vie
Décrivant sa mère mourante dans Une mort très douce, Simone de Beauvoir évoque l’idée d’un « cadavre en sursis ». Mais il n’y a pas que la mort du corps qui prive le vivant de son autonomie, de sa dignité ou de sa vitalité. Comme le remarque Frédéric Worms, même au sein de l’État providence, il arrive que les conditions politiques, économiques et sociales que nous avons créées engendrent des situations où « l’expérience de l’invivable a détruit le sujet de la vie » (Le vivable et l’invivable, 2021). Le sujet se trouverait alors coupé de sa propre expérience, bien que toujours vivant. Et que dire de la normativité? L’anéantissement de la subjectivité, n’est-ce pas ce qu’Adorno et Horkheimer dénonçaient dans La dialectique de la raison en affirmant que l’industrie culturelle et le capitalisme avancé imposent les conditions selon lesquelles nous sommes autorisé.es à vivre en société? N’est-ce pas aussi une question centrale des œuvres de Michel Foucault, lorsqu’il traite de l’émergence des sociétés disciplinaires et du « biopouvoir », ainsi que de Judith Butler, notamment lorsqu’elle aborde la question du genre? Quels sont les déterminismes sociaux qui mènent à l’invivable, à l’impossibilité de vivre « sa » vie? Où tracer la limite entre le vivable et l’invivable? Que dire du traitement réservé aux animaux d’élevage? Ces êtres captifs peuvent-ils vraiment être « les sujets d’une vie » (Tom Regan, The Case for Animal Rights, 1983)? Et qu’en est-il des animaux reclus dans les zoos ou de ceux sollicités pour le transport ou le travail agricole? Encore, qu’en est-il des animaux que l’on achète pour domestiquer, garder chez soi et dont nous sommes propriétaires? Il s’agit ici de relancer le débat sur ce qui est vivable pour toute forme de vie et d’étendre, du même coup, nos réflexions à la question biologique de la viabilité. En 2023, tous et toutes plongé.es au cœur d’une crise climatique et environnementale, nous pouvons certainement nous demander : quelles perspectives pour la vie à venir? Quelles conditions créer ou recréer pour assurer la perpétuation des vivants?